«Des groupes de personnes bien loties [...] font office de client-e-s pour les professionnel-le-s de la santé.» En tombant sur cette affirmation lors de mes recherches pour le présent numéro de moneta, je me suis senti pris en faute. La déclaration est tirée d’un papier de position du Parti socialiste suisse, dans lequel celui-ci dénonce la concurrence et la privatisation dans le système de santé suisse. Le parti plaide pour un système solide. Si j'ai ressenti de la culpabilité, c’est parce que j’avais récemment consulté mon médecin de famille pour une petite intervention, plutôt cosmétique. Ce que je voulais traiter n’avait rien de menaçant ou restreignant. Je le savais, mais y attachais quand même de l’importance. Mon médecin allait certainement s’en occuper. Que nenni! Après m’avoir examiné de près, il m’a annoncé – à ma déception – qu’une intervention n’était pas indiquée et pourrait même s’avérer contre-productive, d’un point de vue esthétique. Je suis parti un peu frustré de ne pas avoir été exaucé.
Avec les connaissances acquises en matière de santé et d’argent, en travaillant pour ce numéro de moneta, je dois tirer rétrospectivement mon chapeau à ce médecin de famille: en n’accédant pas à ma demande, il a fait preuve de fermeté et évité un surtraitement. Il m’a ainsi épargné (à moi, mais surtout au système de santé) des coûts inutiles, aussi modérés fussent-ils. En ce qui me concerne, je me suis comporté non pas comme un patient, mais comme un client qui aurait aimé être roi.
Les coûts de la santé ne font qu’augmenter depuis des années, en Suisse, tout comme les primes de l’assurance de base. La rédaction de moneta s’est demandé pourquoi. Nous avons pensé que cela tenait à la commercialisation du système de santé. En d’autres termes, que l’argent et la maximisation des profits jouent un rôle toujours plus important dans ce dernier. La conséquence étant que les patientes et patients deviennent des clientes et clients, à qui l’on vend des services de santé aussi rentables que possible, parfois sans se soucier de leur utilité. Nous savons, bien sûr, que les services de santé sont bons, voire très bons en Suisse. Les sondages montrent la satisfaction de nombreuses personnes. Mais à quel coût!
Ce numéro de moneta révèle que notre hypothèse n’était pas totalement fausse, mais il met en lumière d’autres raisons de la hausse des coûts. Les pages suivantes s’intéressent aussi aux conséquences de cette hausse, en particulier pour les personnes qui ont peu de moyens, et présentent des approches visant à réduire les coûts. Attention, le sujet est compliqué!
Je vous souhaite une lecture enrichissante.
Simon Rindlisbacher,
corédacteur en chef de moneta