moneta: Christian Zeyer, votre association Swisscleantech a fêté en juin dernier son dixième anniversaire à la Haute école technique de Rapperswil. Vous avez alors dit à la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, à propos de la transition énergétique, «j’ai l’impression que nous avons perdu courage». Qui était ce «nous»?
Christian Zeyer : Je parlais de la Suisse, de ses sphères politiques et d’une large partie de l’économie helvétique. Nous faisons face à des défis énormes et nous nous accrochons peureusement à la situation actuelle.
Swisscleantech se décrit comme une plaque tournante pour les petites et grandes entreprises novatrices, qui s’engagent en faveur du virage énergétique et de la durabilité climatique. Ressent-on aussi ce découragement chez vos membres?
Quand je discute avec eux, je suis toujours impressionné par leur confiance en l’avenir, par leur capacité d’y voir des chances et par leur volonté de les saisir. Hélas, nous sommes encore trop peu. Nous avons grand besoin d’un réel mouvement économique pour davantage de durabilité.
Que faut-il pour que les entreprises soient plus nombreuses à se comporter de manière véritablement durable?
Il leur faut des conditions-cadres qui les soutiennent dans cette démarche. Or, aujourd’hui, les comportements destructeurs sont souvent récompensés et l’engagement durable est puni. La nature appartient à tout le monde et son exploitation est généralement gratuite. Elle subit alors des dommages aux dépens de chacune et chacun. La politique doit définir des conditions-cadres qui changent cette situation et rendent profitable une approche respectueuse de l’environnement.
Simonetta Sommaruga a suscité l’espoir, à Rapperswil, en déclarant qu’une politique énergétique axée sur la durabilité est un cadeau pour la place industrielle suisse, car les investissements resteront dans le pays au lieu de partir vers ceux du Golfe.
Oui, mais gardons à l’esprit qu’en Suisse, toute politique doit réunir une majorité. Simonetta Sommaruga peut pavoiser, mais si rien ne change? C’est le parlement qui décidera, ou plus précisément celles et ceux que nous élirons cet automne.
L’industrie pétrolière met le parlement sous forte pression, avec des émissaires de l’Union pétrolière, d’Economiesuisse, du TCS et de tout le secteur automobile. Et vous?
Nous sommes la seule voix politique de l’économie qui s’engage pour modifier les conditions-cadres dans tous les secteurs. Nous représentons actuellement un peu plus de 300 membres directs et 20 associations. Parmi les quelque 400 000 entreprises que compte notre pays, toutes n’ont pas comme nous l’ambition d’une économie durable. Nous voulons donc continuer à grandir et à nous renforcer.
Swisscleantech applique-t-elle des critères d’exclusion vis-à-vis de ses membres?
Non, nous accueillons toutes les entreprises qui signent notre charte et croyons qu’il vaut la peine d’atteindre la neutralité carbone le plus tôt possible.
Collaborez-vous avec des associations environnementales?
Nous parlons à tout le monde, mais en nous considérant comme un mouvement économique, nous nous distinguons délibérément des ONG.
Que pensez-vous des exigences de la jeunesse en faveur du climat pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030?
Voilà un objectif noble qui échouera probablement. Pas à cause de la technologie, mais de l’absence de mise en œuvre par la population et l’économie. La volonté de changement est encore trop faible dans l’économie suisse, sauf parmi nos membres. J’ai l’impression que la plupart des gens se posent sur leur canapé, regardent les informations et assistent sans bouger aux bouleversements qui affectent le climat et notre planète. Pensent-ils que ça ne les concerne pas? Ils ne voient pas que faute d’agir rapidement, le canapé deviendra bientôt beaucoup moins confortable.