Comment la BAS perçoit-elle cet appel?
Michael: De prime abord, nous nous en réjouissons, car nous y voyons une reconnaissance de notre travail. Et l’argent peut venir. Mais il est encore plus important que le secteur financier change de culture et de comportement.
Les appels des jeunes grévistes mettent la pression. Peuvent-ils susciter ce changement ou a-t-on besoin de toutes autres mesures?
Michael: Pour qu’une sensibilisation se produise, il faudra sans doute qu’une conseillère ou un conseiller à la clientèle fasse remonter cet appel au sommet de la hiérarchie en disant: «Beaucoup de gens me posent des questions sur telle ou telle alternatives. Faites quelque chose!» Mieux vaut mettre la pression sur l’ensemble du secteur financier que d’envoyer tout le monde à la BAS.
La BAS a-t-elle ressenti les appels lors des manifestations en faveur du climat?
Michael: À Zurich, oui, il y a une forte demande. Nous avons dû établir des listes d’attente, car nous n’arrivons simplement pas à suivre. Le plus beau est que la clientèle se montre compréhensive!
Les possibilités d’investissement sont-elles assez nombreuses?
Michael: Oui, nous en avons suffisamment, surtout avec notre nouveau fonds de placement, mais il nous faut du temps et, bien sûr, la situation actuelle en matière de taux d’intérêt est difficile.
Martin: Ce qui nous pose problème n’est pas l’argent qui va dans le secteur Placement, mais celui qui arrive sur les comptes de paiement et d’épargne. À l’heure actuelle, nous sommes dans l’impossibilité de prêter les fonds aussi rapidement qu’ils affluent. Nous versons un intérêt négatif de 0,75 pour cent sur les avoirs temporairement confiés à la Banque nationale suisse; du coup, chaque franc qui entre dans notre bilan nous coûte de l’argent.
Pourquoi ne pouvez-vous pas accorder davantage de crédits?
Martin: Les projets doivent répondre à nos critères et être financièrement viables, donc sans risques excessifs. Vu l’environnement actuel des taux d’intérêt, toutes les banques courtisent les demandeuses et demandeurs de crédit. Un projet photovoltaïque ne viendra plus automatiquement à la BAS: aujourd’hui, tout le monde aimerait le financer à des conditions attractives. Voilà le défi. Alors que nous étions avant plus ou moins seuls dans notre domaine, nous nous trouvons maintenant en concurrence directe avec les autres banques. En outre, nous pouvions auparavant accorder des taux préférentiels à certains crédits, puisque des clientes et clients renonçaient à tout ou partie des intérêts de leur épargne. Cela est devenu impossible à cause des taux négatifs actuels.
Dominik: Les grandes banques pourront-elles un jour intégrer des valeurs comme celles de la BAS? Est-ce seulement imaginable, vu leur taille?
Martin: Le capital des grandes banques ne provient pas d’actionnaires comme les nôtres, qui sont des personnes engagées pour la cause. Ces établissements doivent obtenir un rendement sur les marchés financiers internationaux. Les décisions d’investissement y sont en général totalement déconnectées de l’activité économique réelle des entreprises: elles tiennent compte uniquement du risque et du profit. Et si de telles banques mettent de l’argent dans des projets photovoltaïques, ce n’est pas par conviction, mais pour répondre à une clientèle précise.
Michael: Stratégiquement, les grandes banques avancent avec des œillères. Elles savent bien que financer les énergies fossiles est sans avenir, que l’Accord de Paris va modifier les conditions-cadres. Mais la place financière suisse est connue pour son mépris de tels signes et pour sa résistance au changement, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Pensez au secret bancaire!