Le monde est devenu complexe. Nous savons que nos actes ont des conséquences à tous les niveaux imaginables: pour nous-mêmes, pour la nature ou pour les personnes qui fabriquent ce que nous achetons. Et en tant que «consommatrices» et «consommateurs» indécrottables, nous avons plus que jamais le choix: entre des produits biologiques, équitables ou sans aucun label; entre voyager en voiture, en train ou en avion (ou rester à la maison); entre les possibilités d’investir notre argent.
Il serait donc judicieux de connaître l’impact de tel ou tel type de comportement. Nous pouvons essayer de le calculer avec des empreintes carbone, des tableaux d’évaluation de la durabilité, des analyses de risques… Peut-être que ces chiffres nous sensibiliseront et nous inciteront à réfléchir ou – encore mieux – à agir, mais ils peuvent également nous induire en erreur. Les chiffres simplifient des vérités complexes, pour le meilleur ou pour le pire. Ils créent parfois des pseudo-réalités et promettent des certitudes en réalité inconcevables. En évaluant des produits structurés de manière un peu désinvolte,
des agences de notation ont largement contribué à la crise financière.À l’échelon individuel aussi, mieux vaudrait s’émanciper des chiffres, faute de quoi la vie pourrait devenir une fonction d’optimalisation qu’un algorithme calculerait facilement. Or, cela ne marche pas: il reste toujours un niveau de subjectivité. Certaines décisions sont ambivalentes, le flou règne en maître et les mesures reposent sur des faits controversés.
Autrement dit, impossible d’objectiver complètement ce qui est bon et ce qui est mauvais. Les évaluations dissimulent des valeurs, forcément individuelles. Une société doit pouvoir supporter l’idée qu’il n’existe pas de vie «meilleure» ou plus juste qui convienne à tout le monde. En revanche, il en existe toujours une mauvaise. Et même de plus en plus.
Roland Fischer, rédacteur pour moneta