Une blockchain se distingue par une transparence totale. Chaque transaction est accessible au public. C’est essentiel au fonctionnement d’une cryptomonnaie, car la confiance ne repose pas sur un organe central de contrôle assurant une entière fiabilité. Au lieu de cela, elle est partagée entre toutes les utilisatrices et tous les utilisateurs. Evidemment, cette transparence intégrale permet aussi de suivre tous les flux monétaires du réseau. Chacun-e peut ainsi voir à tout moment qui a versé quelle somme à qui.
Ce qui pourrait passer pour une révolution totale du système financier ne l’est en fait qu’à moitié. Car les utilisatrices et utilisateurs de cryptomonnaies protégés par l’anonymat numérique, sont difficiles à identifier dans le monde réel. Cela pourrait ressembler à un paradoxe. Le bitcoin est à la fois transparent et très anonyme, ce qui reflète un principe fondamental de beaucoup d’initiatives numériques: les possibilités de surveillance de l’Etat doivent être restreintes et le secret des identités préservé dans le réseau. Evidemment, l’anonymat incite à acquérir des biens illégaux en ligne. Ces monnaies peuvent aussi bien servir à la fraude ou au blanchiment d’argent qu’à l’évasion fiscale. Ce serait cependant oublier que, si les transactions sont anonymes, on peut, en y mettant les moyens, remonter à la source sur Internet. En vérité, la comparaison avec l’argent liquide montre que l’on a tort de craindre que l’on en fasse un usage abusif, car tout cela est déjà possible aujourd’hui. Utiliser de l’argent liquide est tout aussi anonyme et rares sont les possibilités de récupérer ce que l’on a perdu, payé en trop ou ce qui nous a été volé.
L’anonymat d’un moyen de paiement ne devrait donc pas servir d’argument massue, comme l’affirmait la journaliste Maria Bustillos dans le New Yorker en 2013: «L’argent liquide est anonyme. On l’emploie également pour le blanchiment et les transactions illégales.» Pour autant, on ne diabolise pas ce moyen de paiement par principe.