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06.03.2024 par Esther Banz

Des impôts pour la vitalité

Certaines localités touristiques de montagne manquent de plus en plus de ­logements pour les familles et les personnes qui y travaillent. Pontresina (GR) est l’une d’elles. Une nouvelle taxe pour «résidentes et résidents secondaires» vise à préserver la vie du village. Nora Saratz Cazin, présidente de la commune, explique la démarche.

Article du thème IMPÔTS
Photo: màd
L’invitée en quelques mots: Nora Saratz Cazin est née en 1981 à Pontresina, dans une famille faisant partie d’une dynastie locale. Elle a étudié le droit à Zurich, où elle a travaillé plusieurs ­années avant de revenir sur sa terre natale avec son mari et ses enfants. Membre du PVL, elle a été élue ­pré­sidente de la commune en 2021.

moneta: Nora Saratz Cazin, présentez-nous Pontresina. À quoi ressemble la localité?
Nora Saratz Cazin: C’est une commune vivante et ensoleillée, dans les Alpes grisonnes. Contrairement aux stations alpines plus récentes, on vit ici en famille, parfois depuis plusieurs générations. Les autochtones sont de nature joviale et accueillante. Nous avons d’ailleurs une longue tradition d’accueil: le plus ancien hébergement date du 17e siècle. On proposait alors des lits à celles et ceux qui commerçaient entre l’Italie et la Suisse sur la Via Valtellina.

Pontresina est-elle toujours aussi ­accueillante?
Oui, Nous avons environ 2400 lits d’hôtel, 230 logements de vacances ainsi que des ­résidences secondaires privées et un camping. Environ 2100 personnes vivent à ­l’année dans le village. Seulement 42 pour cent des logements sont encore utilisés comme résidences principales. La construction de résidences secondaires a vraiment démarré dans les années 1960–1970. Honnêtement, nous, habitantes et habitants, en avons beaucoup profité. Nous commençons tout juste à mesurer les inconvénients d’un tel engouement.

La loi fédérale sur les résidences secondaires, en vigueur depuis huit ans, ­permet de transformer en résidences secondaires les logements qui existaient avant l’acceptation de l’initiative (2012). Cela ­a-t-il augmenté la pression? 
Et comment! Notre ancien système ne fonctionne plus. En Engadine, chaque commune avait une loi qui encourageait la création de résidences principales. La loi fédérale sur les résidences secondaires a remplacé ces réglementations. Cela a entraîné une forte demande de logements régis par l’ancien droit et, depuis 2012, presque aucune nouvelle résidence principale n’a vu le jour.

Tel n’était pas l’objectif de l’initiative sur les résidences secondaires ... 
Elle en avait deux à l’origine: diminuer le nombre de résidences secondaires et stopper l’étalement urbain. Pour maintenir le second objectif, les initiatrices et initiateurs – peut-être sans penser aux conséquences – ont fait des concessions aux partis bourgeois et accepté un compromis sur l’ancien parc immobilier. La pression sur ce dernier a donc beaucoup augmenté et il en a résulté davantage de résidences secondaires.

Qu’advient-il quand on ne trouve pas de logement abordable dans une commune? 
Les familles avec enfants sont les premières à partir. Chez nous, sur les 269 enfants nés entre 2010 et 2022, cinquante ne sont déjà plus là. Ce n’est pas dû uni­quement à l’emplacement du logement: les familles qui recherchent davantage d’espace quand elles s’agrandissent ne trouvent rien d’abordable. Parfois, des propriétaires résilient des baux pour vendre leurs logements ou les louer à des touristes.

Les personnes âgées sont-elles aussi ­touchées? 
Oui, et cela me désole de voir des gens qui se sont enracinés ici et y ont longtemps payé des impôts devoir partir après avoir atteint un certain âge.

En parlant d’impôts, vous misez dé­sormais sur une taxe sur les résidences secondaires afin de garantir les résidences principales. Est-ce la meilleure solution? 
Nous l’ignorons encore. Nous cherchons des moyens de redonner envie aux au­tochtones de louer des biens immobiliers. Et nous voulons financer la fondation que nous avons créée pour préserver les ­résidences principales et en augmenter le nombre. La taxe sera un jour due sur chaque logement utilisé comme résidence secondaire, peu importe qui en est le propriétaire, qu’il s’agisse de personnes habitant à Pontresina ou y ayant seulement une résidence secondaire.

Votre processus invite les «résidentes et résidents secondaires» à participer en faisant d’autres propositions. Quelles ont été les réactions? 
Nous tenons à ouvrir le débat et avons reçu plus de sept cents remarques! Beaucoup de gens ont conscience de l’interdépendance. La valeur des résidences secondaires est directement liée à l’offre dans le village, aux services et aux personnes qui les fournissent.

Les taxes sont évidemment impopulaires, mais on dirait que vous avez réussi un véritable tour de force: attirer largement l’attention – jusqu’en plaine – sur les problèmes que doit urgemment résoudre une commune de montagne pour demeurer attrayante, et cela au moyen d’un projet fiscal. 
Je l’espère! Nous aimerions sensibiliser les gens à cette évolution qui peut faire basculer la vie d’une commune.

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