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18.03.2020 par Robert Fluder

Les héritages profitent en majorité aux grandes fortunes

La répartition des héritages et donations est très inégale en Suisse : les couches sociales privilégiées de la société reçoivent une part disproportionnée des fortunes héritées. Une taxation plus élevée des successions permettrait d’atténuer ce déséquilibre et de promouvoir l’égalité des chances.

Article du thème Héritage
Illustration: Claudine Etter

L’héritage désigne la transmission de valeurs, de compétences, de relations et de richesses d’une génération à l’autre. Le terme englobe aussi bien la dotation sous forme de ressources financières que de capital humain et social. En résultent des possibilités éducatives et professionnelles différentes, selon l’origine. Ainsi, les enfants issus d’un milieu à haut niveau d’études ont bien plus de chances d’obtenir un diplôme supérieur et de suivre une carrière professionnelle fructueuse. Dans cet article, nous nous intéresserons au transfert de ressources financières sous forme d’héritages et de donations.

L’héritage désigne la transmission de valeurs, de compétences, de relations et de richesses d’une génération à l’autre. Le terme englobe aussi bien la dotation sous forme de ressources financières que de capital humain et social. En résultent des possibilités éducatives et professionnelles différentes, selon l’origine. Ainsi, les enfants issus d’un milieu à haut niveau d’études ont bien plus de chances d’obtenir un diplôme supérieur et de suivre une carrière professionnelle fructueuse. Dans cet article, nous nous intéresserons au transfert de ressources financières sous forme d’héritages et de donations.

Les grandes fortunes et les hauts revenus en profitent le plus

Fort des données fiscales de vingt-sept pays, Thomas Piketty a pu montrer que le volume des héritages a considérablement augmenté depuis les années 1970. C’est également le cas en Suisse, avec une tendance à la hausse. La répartition des héritages et des donations est très déséquilibrée. Le projet du FNS « Inégalité, risques de pauvreté et État providence » (« Ungleichheit, Armutsrisiken und Wohlfahrstaat »), dirigé par l’Université de Berne et la Haute école spécialisée bernoise, fournit des données récentes. Elles permettent de constater que sur le total des héritages et donations couvrant une période de cinq ans dans le canton de Berne, les dix pour cent de personnes ayant reçu les plus gros montants ont obtenu plus des deux tiers du gâteau (68 %). Le pour cent le plus élevé en empoche même plus d’un tiers (36 %), tandis que la moitié inférieure des bénéficiaires doit se contenter de 5 % du total. En outre, ce sont les riches qui reçoivent le plus. Les 10 % les plus fortunés avant héritage et donation touchent plus de la moitié du volume des successions, et le pour cent le plus riche près d’un tiers. Dans la répartition par groupe de revenus, on constate également que les personnes aisées bénéficient des plus gros héritages : les 10 % qui gagnent le plus obtiennent près de la moitié du gâteau successoral (48,1 %), alors que la moitié inférieure s’en partage seulement 15 %.

Le contraste entre jeunes et vieux s’accentue

Les héritages accroissent aussi les différences de ressources financières entre jeunes et vieux. La plus grande part des fortunes héritées et léguées revient à des personnes âgées de plus de 55 ans. Les 55 à 75 ans héritent très fréquemment. Du coup, les successions vont à une génération aisée, qui a moins besoin de fonds, alors que de jeunes familles vivent souvent dans des conditions financières difficiles. Il en découle que les ressources financières d’une personne tiennent davantage à son origine qu’à ses propres prestations, ce qui contredit le principe d’une société méritocratique.

L’égalité des chances grâce à de nouvelles rentrées fiscales

Les héritages favorisent les groupes déjà privilégiés par leurs possibilités de formation et leur réseau social. Pourtant, la succession serait un moyen efficace pour rétablir un équilibre. L’impôt sur les successions permettrait de soutenir les groupes défavorisés et de compenser les disparités entre générations. Sur la base des données fiscales du canton de Berne, on peut évaluer l’impact qu’aurait un impôt sur les successions similaire à celui des États-Unis : il rapporterait environ 500 millions de francs par an. Toutefois, étant donné la faible progressivité du taux d’imposition, la répartition de la somme des héritages et donations changerait peu. Il faudrait un taux d’imposition très progressif, avec un impôt faible dans la partie inférieure et élevé dans la partie supérieure, pour augmenter sensiblement le substrat fiscal et équilibrer un tant soit peu la répartition du reste des héritages. Ledit substrat pourrait aider les familles démunies et les enfants défavorisés, contribuant à instaurer une meilleure égalité des chances ainsi qu’un équilibre entre les jeunes générations et les plus anciennes.

Literatur

Brülhart Marius (2019): Erbschaften in der Schweiz: Entwicklung seit 1911 und Bedeutung für die Steuern. Social Change in Switzerland No 20.

Jann Ben, Fluder Robert (2015): Erbschaften und Schenkungen im Kanton Bern, Steuerjahre 2002 bis 2012. University of Bern Social Sciences Working Paper No 11.

Moser Peter (2019): Vermögensentwicklung und -mobilität. Eine Panelanalyse von Steuerdaten des Kantons Zürich 2006 – 2015. Statistik.info 2019/02.

Piketty Thomas (2014): Capital of the Twenty-first Century. Harvard University Press.

 

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