En Suisse, la construction d’une installation photovoltaïque se heurte rarement à un problème d’accès au crédit. Au contraire de nombreux pays du Sud: la complexité de la planification et l’ampleur du risque de défaillance dissuadent nombre de bailleuses et bailleurs de fonds d’investir dans des énergies renouvelables ou autres mesures de protection du climat, aussi bien en Afrique qu’en Asie ou en Amérique latine. La Suisse aurait pourtant toutes les raisons de lutter contre le dérèglement climatique en dehors de ses frontières, car les biens et services importés produisent trois fois plus de CO2 que celui émis dans notre pays.
Dix milliards... et beaucoup d’expertise
Institut public destiné à évaluer et financer des projets échappant encore au marché des capitaux, une banque suisse d’investissement écologique s’imposerait pour y remédier. Elle attirerait des capitaux privés supplémentaires. Le Swiss Investment Fund for Emerging Markets (Sifem) fonctionne déjà selon un mécanisme comparable; il vise à faire croître l’économie de pays en développement et émergents. En mai 2022, Gerhard Andrey – membre du conseil d’administration de la BAS et conseiller national fribourgeois des Vert-e-s – a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral de créer une banque d’investissement écologique et indépendante. Des député-e-s de quatre autres partis sont à l’origine de motions similaires.
Plus de 80 parlementaires ont signé la requête.
Or, le Conseil fédéral l’a rejetée, avançant ses craintes qu’une telle banque entraîne une distorsion du marché. Dans son avis du 24 août 2022, il affirme qu’il faudrait quoiqu'il en soit procéder d’abord à «une analyse coûts-utilité large et approfondie». Gerhard Andrey a saisi la balle au bond: «Lors de la session de printemps, nous avons pris le Conseil fédéral au mot et déposé un postulat pour demander cette analyse. Elle pourra servir de base pour concrétiser la motion.» L’enjeu ne tient pas seulement au minimum de dix milliards de francs dont Gerhard Andrey aimerait doter la banque verte pour investir dans la protection du climat et la biodiversité. Tout aussi importante est l’ambition de partager avec le grand public l’expertise acquise par celle-ci. M. Andrey est convaincu que cette approche ouverte (qu’il qualifie d’open source) peut exercer un impact au-delà de la nouvelle banque: «Le savoir-faire bancaire dont bénéficie la Suisse lui donne la responsabilité toute particulière d’introduire des leviers financiers, afin de protéger le climat et partager les connaissances à ce sujet.»
Contrairement au domaine de l’énergie, les modèles portant sur la rentabilité des investissements dans la biodiversité sont encore en voie d’élaboration, reconnaît M. Andrey. Mais de nombreux pays ont tout intérêt à préserver une nature variée, y compris d’un point de vue économique. Par exemple, le Costa Rica poursuit cet objectif, également pour assurer un tourisme respectueux de l’environnement à long terme. Le conseiller d’administration de la BAS espère que l’expertise de la future banque suisse d’investissement écologique responsabilise aussi les établissements conventionnels et les motive à s’engager désormais dans ce genre de projets, par l’octroi de crédits.
Le nouvel institut public ne devrait pas concurrencer la BAS, au contraire: elle pourrait participer un jour à de tels emprunts. Sa clientèle aurait ainsi la possibilité d’investir encore plus facilement dans des projets durables à l’étranger, et contribuer à y sauvegarder la biodiversité et le climat.