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01.12.2017 par Muriel Raemy

Se transformer soi-même pour transformer le monde

«La crise actuelle n’est pas seulement écologique. C’est notre intériorité qui va mal.» Responsable du laboratoire de la transition intérieure, créé à Lausanne il y a un peu plus d’un an par l’ONG Pain pour le prochain, Michel Maxime Egger développe des formations et conférences pour renouer avec la dimension sacrée de l’être humain et de la nature. Et avec la joie, définitivement.

Article du thème Joie

Pain pour le prochain est une ONG issue des Eglises protestantes. Créée au début des années 1970, elle s’engage au Sud pour une transition vers de nouveaux modèles agricoles et économiques. En Suisse, Pain pour le prochain mène des campagnes de sensibilisation auprès de la population, avec Action de Carême, dans les semaines précédant Pâques. Elle s’active également dans le lobbying et en faveur de l’initiative pour des multinationales responsables. Pour Daniel Tillmanns, responsable de la communication à Pain pour le prochain, l’engagement politique seul a ses limites. «Nous sommes convaincus de la nécessité d’un changement fondamental de notre manière de voir le monde. Les crises économiques et écologiques manifestent un mal-être profond. Militer pour des changements de consommation – la campagne contre l’utilisation d’huile de palme par exemple – ne suffit plus.» D’où l’idée, en août 2016, de fonder le laboratoire de la transition intérieure.

Du politique au spirituel Transition intérieure ?

«Nous ne pouvons transformer le monde sans nous transformer nous-mêmes.» Cette conviction porte le responsable du laboratoire, Michel Maxime Egger, depuis de nombreuses années. Nourri par les sagesses issues des différentes traditions religieuses, les penseurs holistiques comme Edgar Morin, Ken Wilber et Sri Aurobindo ainsi que des figures contemporaines comme l’agroécologiste Pierre Rabhi, cesociologue devenu écothéologien est inspiré par les mouvements étatsuniens de l’écospiritualité et de l’écopsychologie. Des préfixes «éco» qui réaffirment l’essence de la pensée et de la démarche de Michel Maxime Egger : «Nous faisons partie de la nature. Elle fait partie de nous. Quand nous lui portons atteinte, nous souffrons. Protéger l’environnement ne suffit pas. Il s’agit de passer d’un système économique qui réduit la planète à un stock de ressources à un nouveau système qui vit en harmonie avec le vivant et le respecte.» Un changement de paradigme – ou, selon les mots de son responsable qui reprend les vœux formulés par le Pape François dans son encyclique Laudato sì – une révolution culturelle courageuse : voilà ce que le laboratoire veut encourager et accompagner.

Processus individuel…

Se changer soi, d’abord. Le laboratoire de la transition intérieure organise des formations (pour le moment essentiellement en Suisse romande), cocréées avec de nombreux acteurs issus de la société civile, des milieux académiques et des Eglises. «Les personnes qui s’intéressent à nos formations cherchent des outils pour s’engager dans un changement. Nous voulons permettre à chaque participante et participant de développer ses ressources intérieures. Cela implique, entre autres, un travail sur les peurs face aux effondrements planétaires en cours et à venir, sur le sentiment d’impuissance devant l’ampleur et la complexité des problèmes, sur la culpabilité ou encore la tristesse, qui sont souvent source d’inertie et d’incohérence.» Se reconnecter à la Terre, réorienter sa puissance de désir pour se libérer de la passion de consommer ou encore surmonter sa peur de manquer derrière laquelle se cache l’angoisse de mourir, tout cela participe de ce que Michel Maxime Egger compare à un «compostage des émotions». Le but est de transformer ces dernières en énergies mobilisatrices pour imaginer et créer un monde nouveau. «La dimension de groupe est essentielle au processus. Partager ses émotions avec les autres, se sentir porté et soutenu permet de créer des espaces où la solidarité, la compassion et la résilience peuvent se manifester. C’est là également une façon de recréer du tissu communautaire pour affronter ensemble le choc des crises écologiques et économiques.»

… et citoyen

La transition personnelle devient dès lors collective, quotidienne, voire politique. Le laboratoire propose ainsi une nouvelle manière d’être au monde et d’y agir : celle du méditant-militant. Lutter pour et avec, et pas seulement contre. «Le militantisme de la transition appelle à l’humilité, à la bienveillance et au respect de tous les êtres vivants. Nous sommes loin des ‹il faut› moralisateurs. Au contraire, en s’ancrant dans la gratitude devant la beauté et l’abondance offertes par la Terre, on passe à une écologie intérieure qui nourrit le désir de s’investir dans une simplicité volontaire.» Michel Maxime Egger ne sait pas encore ce qui va concrètement émerger de ce «laboratoire». De nouvelles initiatives locales ? Un réseau de personnes qui seront porteuses et multiplicatrices de la culture de la transition ? Une certitude, cependant : «Quand une personne vit au plus près de ses aspirations, elle expérimente la joie.»

painpourleprochain.ch/transition-interieure 

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